Interrogé par La Gazette sur le projet de loi de réforme des retraites, Claude Domeizel, le président de la Caisse nationale de retraites des fonctionnaires territoriaux, se montre inquiet et juge que trop de points sont encore flous.
Comme tous les autres responsables de régimes de retraite, Claude Domeizel, président de la CNRACL, a reçu, le 9 janvier, le projet de loi du gouvernement visant à instaurer un système universel présenté dans un document de 150 pages.
S’il ne veut pas préjuger de la réaction de l’ensemble des membres du conseil d’administration de la caisse, qui doivent se réunir le 23 janvier, il se montre, à titre personnel, plutôt dubitatif. « Ce texte laisse en l’état de nombreuses zones d’ombres et soulève beaucoup de questions pour le régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers », pointe-t-il.
Quelles relations avec la future caisse universelle ?
Au premier rang de ses sujets d’inquiétude : les modalités d’intégration financière de la CNRACL à la future Caisse nationale de retraite universelle (CNRU). « Si la CNRACL dépend désormais d’un financement de plus en plus conséquent de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour sa trésorerie, précise-t-il, elle a beaucoup contribué, ces dernières années, au financement de la compensation inter-régimes ». Cette contribution est « encore supérieure à 1 Md € en 2019 », ce qui porte son montant total cumulé à 76 Md €.
Autre « zone d’ombre » selon lui : « Le contenu des conventions à établir entre la CNRU et les organismes de gestion de régimes obligatoires, et plus largement les relations entre ces entités » . Pour lui, se pose « la question de la cohabitation, dès 2021, entre la CNRU et le conseil d’administration de la CNRACL ». S’il s’en inquiète, c’est parce que le projet de loi – plus précisément l’article 50 de ce texte -, prévoit que la CNRU sera créée dès le 1er décembre 2020, afin de pouvoir « piloter les chantiers de transformation » et aura, à ce titre, une mission de « veille » vis-à-vis des régimes et sera même dotée d’un pouvoir d’opposition à des décisions que celles-ci pourraient prendre. Ce jusqu’en 2022, date annoncée de la disparition de la CNRACL. Or le Conseil d’administration de la Caisse de retraite des territoriaux et hospitaliers est « fort de la légitimité qu’il tire de l’élection de ses membres, tient à rappeler son président, et sera renouvelé fin 2020 ».
Des inquiétudes pour la période de transition
Claude Domeizel s’inquiète par ailleurs du flou qui perdure sur plusieurs points déjà relevés par les organisations syndicales et le collectif des employeurs territoriaux : les modalités d’intégration des droits acquis par les agents avant l’entrée en vigueur du nouveau système, l’évolution des droits de ceux qui relèvent aujourd’hui de la catégorie active et la prise en compte de la pénibilité de leurs métiers ou encore l’évolution des cotisations des employeurs. Mais aussi, plus généralement « les modalités de gestion de l’action sociale au bénéfice des pensionnés » et celles de « gestion des droits et prestations de retraite des agents publics, dans le cadre du futur régime universel ».
Pour le président, une période de transition longue serait nécessaire, « pour gérer, selon les règles actuelles de la CNRACL, les pensions de tous les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui feront valoir leurs droits à la retraite avant l’entrée en vigueur effective du nouveau régime. Cette période ne s’éteindra qu’avec la disparition des derniers pensionnés de droit direct ou indirect (réversions), soit plusieurs décennies. »
En l’état, le projet de loi, dans son article 62, prévoit que « le système universel de retraite entrera en vigueur dès 2022 pour la génération 2004, et à partir de 2025 pour la génération 1975 ». La période de transition envisagée, de 15 ans, sera très complexe, marquée par la conversion des droits et, souligne Claude Domeizel, par l’application de règles différentes à des agents gérés par le même employeur ». Ce qui confèrera, estime-t-il, « un rôle important aux gestionnaires ». C’est pourquoi il assure qu’à court et moyen terme « au moins », les instances de la CNRACL « entendent bien exercer pleinement leur responsabilité au service des actifs, des employeurs et des pensionnés ».
L’état d’esprit du service public
La CNRACL a été créée le 17 mai 1945, « soit cinq mois avant le régime général et consécutivement les régimes spéciaux, rappelle son président, ce qui atteste du lien entre les fonctionnaires d’État, territoriaux et hospitaliers, et de l’état d’esprit qui leur confère la qualité d’agents au service du public, confirmé dans les lois de 1983 et 1984 fondant le statut des trois fonctions publiques ». Une manière sans doute d’insister sur la nécessité de traiter tous les fonctionnaires sur un pied d’égalité, dans un contexte où les territoriaux, notamment, expriment le sentiment d’être les grands oubliés de cette réforme.
Pour le SNUTER-FSU
Hélène Puertolas