- REFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE : tout savoir sur la prise de précarité des agents
S’inspirant du droit du travail, l’indemnité de fin de contrat créée par la loi de transformation de la fonction publique vise à lutter contre la précarité. L’indemnité s’applique aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2021, et non à ceux en cours à cette date. De même, les agents inclus potentiellement dans le champ d’application de la prime de précarité ne pourront y prétendre qu’à une double condition.
Issu d’un amendement gouvernemental déposé devant l’Assemblée nationale en première lecture, l’article 23 de la loi 6 août 2019 [2] de transformation de la fonction publique a créé, au profit des agents contractuels de droit public des trois versants de la fonction publique recrutés à compter du 1er janvier 2021, une indemnité de fin de contrat, encore appelée « indemnité de précarité ».
Ces prescriptions ont été insérées, pour les contractuels territoriaux, au sein de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 [3]. Puis le décret n° 2020-1296 du 23 octobre 2020 [4] relatif à l’indemnité de fin de contrat dans la fonction publique, créant un article 39-1-1 au sein du décret n° 88-145 du 15 février 1988 [5] relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, est venu préciser les modalités de versement de cette indemnité.
A l’examen, si cette prime de précarité se veut inspirée de l’indemnité de même nature prévue par l’article L.1243-8 du code du travail [6] pour les salariés du secteur privé, les critères d’octroi en sont toutefois plus restrictifs.
Des bénéficiaires limitativement énumérés
Les engagements concernés
Tout agent contractuel n’est pas susceptible de bénéficier de la prime de précarité.
D’abord, les seuls concernés sont ceux recrutés sur le fondement du 1° du I de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 [7] (pour faire face à un accroissement temporaire d’activité) et des articles 3-1 (pour assurer le remplacement temporaire de fonctionnaires ou d’agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles), 3-2 (pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire) et 3-3 (à grands traits, pour occuper de manière permanente un emploi permanent). Ce qui couvre, il faut le relever, une grande majorité des contrats conclus par les collectivités.
Ne sont, en revanche, pas concernés par cette prime, assez logiquement, les contrats de projet, potentiellement longs, ainsi que, et cela était moins une évidence, les contrats conclus afin de répondre à un besoin saisonnier, par définition de courte durée et dont les possibilités de renouvellement sont limitées, qui constituent donc, par principe – mais également par nature, ce qui explique vraisemblablement leur exclusion -, des contrats précaires (1) [8].
Les agents inclus potentiellement dans le champ d’application de la prime de précarité ne pourront néanmoins y prétendre qu’à une double condition. D’une part, leur engagement ne devra pas avoir excédé une durée de un an, en ce compris les renouvellements. D’autre part, ils devront avoir perçu, à ce titre, une rémunération brute globale inférieure ou égale au plafond fixé par l’article 39-1-1 du décret du 15 février 1988 [9] à deux fois le Smic, soit 3 109,17 euros par mois en 2021.
Le choix de réserver cette indemnité à certains contrats, allié à l’instauration d’une limitation tenant à la fois à la durée d’engagement et à la rémunération perçue a pu être critiqué, spécialement par les syndicats, mettant en avant, notamment, le recours massif des administrations aux contrats à durée déterminée d’une année ou plus et, surtout, à la multiplication des renouvellements de ces contrats.
Le gouvernement a cependant maintenu sa position, cette prime constituant, à suivre la fiche d’impact général du projet de décret d’application, un outil qui permet de lutter contre la précarité en incitant les administrations à favoriser la conclusion de contrats « longs », en augmentant le coût pour les employeurs des contrats inférieurs à un an, et répondrait ainsi à l’objectif affiché de réduire les contrats les plus précaires.
L’entrée en vigueur
Reprenant le texte de loi, le décret du 23 octobre 2020 [4] précise que l’indemnité de fin de contrat n’est applicable qu’aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2021, et non à ceux en cours à cette date. Il ressort en effet de la délibération du Conseil national d’évaluation des normes du 10 septembre 2020 que les employeurs publics s’étant inquiétés de la mise en œuvre rapide de ce dispositif, non encore intégré dans la stratégie des ressources humaines, le ministère de la Fonction publique a précisé que « le dispositif ne serait pas applicable aux contrats en cours, ce qui aurait posé des difficultés d’anticipation sur le plan financier, mais seulement aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2021, conformément à l’article 23 (IV) de la loi du 6 août 2019 ».
Il semble, en revanche, qu’il faille considérer qu’outre qu’elle vise les contrats conclus en 2021, l’indemnité de fin de contrat concerne également les contrats renouvelés en 2021. La question risque alors de se poser de la prise en compte de la durée antérieurement effectuée pour apprécier la condition de un an d’engagement au maximum.
Une attribution encadrée
Les conditions d’octroi
Dans le cadre ainsi posé, les circonstances dans lesquelles l’engagement de l’agent prend fin conditionnent encore l’octroi de la prime de précarité à ce dernier. En ce sens, l’article 39-1-1 du décret du 15 février 1988 [9] précise, d’abord, que l’indemnité de fin de contrat n’est due que lorsque le contrat est exécuté jusqu’à son terme. De sorte que l’agent qui démissionne ou qui est licencié en cours d’engagement ne peut y prétendre.
De même, on peut estimer que, si le contrat prend fin pour un motif propre à l’agent, celui-ci ne pourra pas plus percevoir la prime de précarité. Tel serait le cas, notamment, de l’agent qui cesserait de remplir les conditions lui permettant d’exercer dans la fonction publique (à savoir un titre de séjour non renouvelé, une interdiction d’exercer un emploi public, la déchéance des droits civiques). On peut encore imaginer que cette solution concernerait l’hypothèse d’un agent admis à la retraite ou atteignant la limite d’âge en cours de contrat.
Par ailleurs, il est indiqué que l’indemnité de précarité ne concerne pas l’agent qui refuse la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire auprès du même employeur, assorti d’une rémunération au moins équivalente. Hypothèse qui ne devrait pas se présenter fréquemment.
En revanche, rien n’est précisé s’agissant de l’agent qui refuserait une proposition de renouvellement de son contrat pour une durée déterminée. Dans le silence des textes, il semblerait que la prime de précarité serait alors due, sauf à tomber dans une autre des hypothèses d’exclusion prévues cette fois par le législateur. En effet, l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 [3] prévoit expressément que l’indemnité de fin de contrat n’a pas à être versée lorsqu’à l’échéance de son engagement, l’agent est nommé stagiaire ou élève à l’issue de la réussite à un concours, ni lorsqu’il bénéficie du renouvellement de son contrat. Sans surprise au regard de l’objet de cette prime.
De manière moins évidente, il est également précisé que la conclusion d’un nouveau contrat, à durée déterminée ou indéterminée au sein de la fonction publique territoriale, et donc potentiellement auprès d’un autre employeur, ferme aussi la porte au versement de cette indemnité. Encore faut-il que l’employeur actuel en soit informé.
Alors que, en revanche, la question de l’éventuel recrutement au sein d’un autre versant de la fonction publique n’étant pas évoquée, on peut raisonnablement considérer qu’il ne permettrait pas de faire obstacle à un tel versement.
Le montant
A suivre l’article 39-1-1 du décret du 15 février 1988 [9], le montant de l’indemnité de fin de contrat est fixé à 10 % de la rémunération brute globale perçue par l’agent au titre de son contrat et, le cas échéant, de ses renouvellements, soit le même pourcentage que dans le secteur privé. Elle est versée au plus tard un mois après le terme du contrat.
On peut s’interroger sur le point de savoir si la rémunération prise en compte doit comprendre l’éventuel régime indemnitaire perçu par l’agent. Tel serait le cas, si l’on considère la délibération du 10 septembre 2020 du Conseil national d’évaluation des normes, qui énonce que « cette rémunération brute globale doit s’entendre comme l’ensemble des traitements bruts ainsi que les primes et indemnités versés au titre de la masse salariale à un agent, à l’exception des remboursements de frais professionnels et des autres ressources qui ne constituent pas des éléments de la rémunération au sens strict ».
Au total, il faut relever que, au regard des critères posés, cette prime, qui pourrait toucher une grande majorité des contrats courts de la fonction publique territoriale selon les prévisions du gouvernement, impliquerait un coût évalué à 153 millions d’euros pour les collectivités territoriales et les établissements publics.